Modele Chinois d’Industrialization

Les Chinois ont développé une forte expertise dans les batteries et acquis une compétence solide dans les voitures électriques. Malgré ces positions, ils se battent inlassablement pour s’améliorer encore.

Souvent, les Français demandent : pour ces Chinois, le seul but dans la vie est-il de gagner encore plus d’argent au détriment de l’équilibre de vie, c’est-à-dire la vie familiale, professionnelle et sociale ?

En réalité, les Chinois agissent ainsi en raison d’un environnement singulier :

Au niveau personnel, les Chinois nés avant 1980 ont vécu des périodes difficiles. Ils ressentent une envie de revanche, souvent par l’accumulation de richesses. Le travail est un moyen d’y parvenir.

Au niveau social, les Chinois sont vingt fois plus nombreux que les Français, et la compétition est au moins trois fois plus aiguë. Il faut agir vite et de se battre constamment.

Au niveau national, sous l’influence de l’État, les Chinois sont nourris d’un sentiment d’injustice ressenti depuis 1840. En plus, après tant de malheurs, certains Occidentaux les regardent de haut, avec un air moralisateur. Cela est devenu insupportable.

En dépit de leur position de leader dans les EV, les Chinois continuent d’avancer encore plus vite :

1) Les batteries : BYD a lancé la batterie Blade LFP en 2020. Deux ans plus tard, CATL l’a contrée avec la batterie LNMC Kirin. Pour se protéger, BYD a lancé il y a quelques mois la deuxième génération de la batterie Blade, et CATL a répliqué avec sa propre LFP Shenxin. En plus, CATL a également sorti une batterie innovante pour les REEV. Zeekr vient défier les deux géants avec sa propre batterie.

2) Pour augmenter l’autonomie des batteries, un moteur électrique plus puissant est une solution viable. Une voiture Tesla est équipée d’un moteur de 20 K tr/min. GAC vient de lancer un moteur construit avec un matériau spécial, un aimant doux amorphe, surnommé « métal liquide », avec une perméabilité 20 à 100 fois supérieure à celle d’une tôle d’acier au silicium ordinaire, et une épaisseur équivalente au quart d’une feuille de papier A4. Doté d’une capacité de 30 K tr/min, ce moteur permet à la batterie d’offrir 50 km d’autonomie supplémentaire.

3) L’IGBT, qui convertit le courant continu en courant alternatif, a été amélioré par BYD avec du SiC au lieu de Si. Cette puce innovante permet une meilleure gestion de la transmission d’énergie et des économies substantielles.

4) Enfin, pour mieux gérer l’état de santé de la batterie, le système de gestion de batterie (BMS) est d’une importance primordiale. Les BMS sont développés par les fabricants de batteries ou de véhicules électriques. Plus d’une dizaine d’acteurs chinois dans ce domaine s’engagent dans une compétition acharnée pour proposer des systèmes encore plus innovants, permettant une autonomie de batterie prolongée.

L’instauration de barrières étouffe la compétition et affaiblit la volonté des acteurs à affronter un monde plus compétitif.

CATL, leader mondial des batteries pour voitures électriques, semble en pleine forme. Il suffit de regarder sa part de marché mondiale : – 36,2 % en 2022 – 36,8 % en 2023 – Près de 50 % sur le marché chinois au premier semestre 2024 En 2011, les Allemands ont lancé le concept de l’Industrie 4.0 à Hanovre. Les Chinois s’en sont inspirés et ont concocté en 2015 le fameux plan “China 2025 Initiative”, qui a suscité la vive colère de l’administration Obama, accusant la Chine de copier, voire de voler les technologies américaines. En s’appuyant sur le concept allemand d’Industrie 4.0, le Forum économique mondial s’est associé à McKinsey pour lancer en 2018 la sélection mondiale des usines phares. Qu’est-ce qu’une usine phare ? Il s’agit d’un référentiel démontrant la mondialisation de la « fabrication numérique » et de l’« Industrie 4.0 », sélectionné conjointement par le Forum économique mondial et le cabinet de conseil McKinsey. Elle représente le plus haut niveau de fabrication numérique au monde et peut être qualifiée d’« usine la plus avancée au monde ». Pour obtenir ce titre, une usine doit intégrer au moins cinq applications technologiques de pointe et démontrer une amélioration significative des indicateurs commerciaux de l’entreprise, comme l’efficacité de la production, l’agilité opérationnelle et la durabilité écologique. Fin 2023, on compte 153 usines phares dans le monde, dont 62 sont situées en Chine, devant l’Allemagne. Parmi les lauréats, on trouve les usines françaises de Schneider Electric, Renault, Sanofi et Danone (usine en Chine), ainsi que les usines allemandes de Siemens, Bosch, Bayer et BMW. CATL a justement pour ambition de transformer tous ses sites de fabrication de batteries en usines phares. Dans son usine phare de Nanjing, il y a plus de 300 caméras et capteurs sur la chaîne de montage des batteries. À l’aide de l’intelligence artificielle, les ordinateurs analysent les images captées sur 6 800 points de contrôle et les comparent aux données de plus de 100 milliards de cellules de batteries, afin de garantir que le taux de défaillance ne dépasse pas un sur un milliard ! Voilà pourquoi CATL connaît un tel succès. Aujourd’hui, les entreprises chinoises se battent pour obtenir le statut d’usine phare. En Occident, la Chine est accusée de surproduire grâce à des milliards de subventions d’État. En réalité, la volonté chinoise de moderniser les usines par la digitalisation et l’usage étendu de l’intelligence artificielle confère aux entreprises du pays une compétitivité remarquable.